Ca s'en va et ça revient...
Tandis que certains d'entre vous s'étaient fatalement résignés depuis la disparition de la fée Choclette, d'autres, au contraire, n'ont pas manqué d'être avertis du retour en force de cette indigne blogueuse. Trois mois déjà que chaussettes sales et tubes de lait hydratant sont revenus habiter le carrelage de la salle de bain familiale et que feu le placard à vêtements rangé a retrouvé son allure sismique. Trois mois dit-elle? Trois mois d'accès internet illimité et pas un petit post d'explication à l'abandon brutal de la Faute des chaussures?! C'est cela.
Eh bien voilà, mieux vaut tard que jamais. En mal d'activité médiatique, je reprends le clavier. D'ailleurs ça tombe bien, ce n'est pas comme si j'avais des examens dans onze jours, mais bon on ne se refait pas, même après cinq mois sur un autre continent.
Le Mali, bah c'était bien. C'était même drôlement bien tiens. Enfin, drôlement, pas toujours hein. Mais ça, ça fera sûrement l'objet d'un autre article, genre un jour où j'aurai évidemment une foule d'autres choses à faire que d'étaler ma vie trépidante, genre comme aujourd'hui. Bref.
Pour faire bien, je pense que je dois reprendre le récit de mes aventures l'à où je l'ai arrêté. Souvenez-vous, le mois de novembre dernier avait été marqué par la venue de ma très chère mÔman. Eh bien peu de temps après notre voyage, le temps était venu pour moi de quitter ALAD. C'est le cœur lourd que j'ai dit au revoir à ma troupe de petits monstres et à mes collègues de l'association avant de prendre la route pour le village de Teriya Bugu, situé à environ 500 kilomètres au nord de Bamako. Un contexte bien différent!
Teriya Bugu est en effet un endroit très particulier, situé en pleine brousse au bord du fleuve Bani. Ce village dont le nom signifie en bambara, "la case de l'amitié" est né il y a vingt ans de la rencontre entre un pêcheur somono, Lamine Samaké et le père Bernard Verspieren, un français vivant au Mali depuis déjà plus de cinquante années. Je raconte très mal cette histoire, en particulier depuis que j'ai vécu la traumatisante expérience d'avoir à le faire un certain soir de Noël, déguisée en vieux sage africain devant un groupe de touristes hilares.
Bref, Teriya Bugu s'est aujourd'hui développé en un centre de tourisme solidaire géré par une ONG malienne: l'Association d'Entraide pour le Développement Rural (AEDR) mais reste avant tout un village de 500 personnes avec une école, un dispensaire-maternité, une bibliothèque, une coopérative d'achat.
Ayant toujours excellé dans l'art de la paraphrase, je ne tenterai pas cette fois-ci de tromper les foules et vous transcrit texto et sans complexes l'article du Petit Futé. Bah quoi ils font ça mieux que moi…
"Les ressources et recettes issues du tourisme sont redistribuées sous forme de salaires à l'échelle locale. Le village est électrifié à l'énergie solaire. Des pompes solaires permettent d'assurer les besoins en eau et d'irriguer des champs de manguiers, de bananiers, de mil et des rizières. Le père Verspieren avait planté des eucalyptus, arbres qui s'acclimatent bien au pays, même s'ils n'en sont pas originaires. Le village produit du gaz naturel (biogaz), réalisé grâce aux excréments du bétail. Des éoliennes complètent l'éventail d'énergies naturelles qui fait de ce village un exemple à suivre autant par les autorités maliennes que par les conseillers techniques des différentes coopérations étrangères. Le dispensaire est équipé de chauffes eau solaires qui permettent d'obtenir 120 litres d'eau à 80°C tous les jours. Chaque année, le village participe au reboisement de la région et à la vulgarisation de nouvelles méthodes d'irrigation auprès des populations locales. Des ruches produisent du miel, des jardins abritent des grues couronnées, des pélicans et des gazelles. Le but est d'améliorer les conditions de vie des habitants, établir un modèle de développement rural ou encore lutter contre l'exode rural."
Et moi dans tout ça, j'ai servi à quoi? Eh bien toujours à la même chose. C'est à grands "Toubabou, toubabou, toubabou!" que les petits de la classe de maternelle ont accueilli leur nouvelle maîtresse temporaire. Sur ordre de Fidèle, mon très pédagogue collègue instituteur, je me suis vue finalement appelée Mademoiselle, au grand désespoir de certains enfants qui ne comprenaient plus rien à rien (Mais non je te dis qu' elle s'appelle pas Floraine mais Mademoiselle!!).
Mon autre activité: la toute nouvelle bibliothèque que j'ai été la première à animer. Autant vous dire que je m'en suis donné à cœur joie. Seul hic: le nombre d'enfants (presque tous les enfants du village!) qui m'attendaient chaque jour de pied ferme devant la porte, se ruant dans la salle comme à un concert des Stones, bousculant tout sur leur passage. Il faut dire aussi que j'avais trouvé un truc infaillible pour attirer les foules. L'école avait récemment hérité d'une télévision et d'un lecteur DVD tous neufs pour sa nouvelle bibliothèque. Et moi, en fouillant un peu dans les tiroirs de l'hôtel, j'ai trouvé le truc idéal pour être peinarde avec ma centaine d'enfants: un DVD de Kirikou! Mais oui, "Kirikou n'est pas grand mais il est vaillant! Mais il est vaillant…"
Aussi, deux fois par semaine, j'organisais une projection vidéo. Enfin, ça c'est la version officielle car en vérité j'ai plutôt usé et abusé de "kirikou et la sorcière" et "Kirikou et les bêtes sauvages". Vous savez, c'est un peu comme quand on regardait quarante-cinq fois le même épisode de Bibi phoque sans jamais se lasser. A la quarante-quatrième fois, on rigolait toujours autant quand Bibi se mangeait la banquise. Ben Kirikou, c'est pareil sauf qu'en plus, Kirikou il est vachement plus intelligent et vachement plus fort que Bibi. D'abord! Tout ça pour dire que j'avais largement de quoi pallier mes manques d'inspiration et que ma bibliothèque n'avait pas souvent l'allure d'une bibliothèque.
Je suis restée presque deux mois à Teriya Bugu. Mon train-train quotidien était bien différent qu'à ALAD. Pour commencer, je n'enfourchais plus mon vélo chaque matin pour aller à l'école! Un luxe qui m'a coûté quelques mollets en trop, voire quelques kilos puisque je prenais tous mes repas au restaurant de l'hôtel… La belle vie! Mais rassurez-vous, je faisais pipi dans un trou et me lavais dehors avec un seau d'eau froide. Même qu'au mois de janvier, quand il fait genre 9 degrés le matin, tu échangerais volontiers tes propres parents contre une paire de moufles.
L'autre chose qui a radicalement changé, ce sont mes soirées! Finies les longues heures passées à compter mes boutons de moustiques et à guetter les déambulations du varan sur le toit en tôle (Ah ben oui, j'avais le temps de bloguer à cette époque!). Désormais, quand je n'étais pas assise à discuter au village, je me mettais en mode pilier de bar à la réception de l'hôtel, là où travaillaient la majorité de mes amis. Un lieu idéal pour se tenir informé des derniers ragots, critiquer les touristes allemands qui portent des chaussettes sous leurs sandales et suivre le dernier épisode de la très populaire série télévisée "Au cœur du péché" (mais si, celui où Paco, le fils adoptif d'Alphonso, que tout le monde croyait mort et qui refait surface après plusieurs années, découvre que Pretta, la femme qu'il aime, est sur le point de se marier avec Marc-Antoine, qui n'est autre que son père naturel – le père de Paco hein, pas de Pretta – ce qui fait de Pretta la future demi-sœur de Paco – Pfffiou! ).
Elément clé de ces rendez-vous mondains: la "sucrerie" (boisson non alcoolisée en langage africain) qui se consomme sans modération, surtout après une danse collective improvisée derrière le bar au son du Bobaraba ou de DJ Lewis.
Vous l'aurez compris, mon quotidien à Teriya Bugu prenait souvent des airs de colo de vacances. Seule ombre au tableau: la difficulté d'accès aux outils technologiques, cause directe de l'interruption de la Faute des chaussures! En m'y prenant bien, c'est-à-dire en me plaçant à l'endroit stratégique (le parking de l'hôtel), mon réseau Orange Mali parvenait tout juste à capter mes amis bamakois. Quant aux jours où il n'y avait pas de vent, perchée sur le rebord d'une poubelle en grillage, je pouvais espérer obtenir des nouvelles de France.
Alors vous voyez bien que je ne le faisais pas exprès! Et pour une fois, ce n'était pas la faute des chaussures!
A suivre...