Echantillon de mon train-train quotidien…
Visualisez un instant l’ambiance du métro parisien en heure de pointe. Pas trop longtemps tout de même, je suis responsable de la santé mentale de mes lecteurs. Eh bien le Mali, c’est tout autre chose. Ici, tout le monde se parle, tout le monde se connaît, un peu comme dans une grande communauté soixante-huitarde, plus cool que baba.
La base des rapports humains : les salutations. On prend des nouvelles de la famille, demande si la nuit a été bonne. Pressé ou pas, on prend le temps de s’arrêter pour boire le thé ou pour une simple « causerie ».
Chaque jour, j’enfourche mon vélo en direction des villages. Au bord des routes, sur le seuil des maisons ou au milieu des champs de maïs, les salutations résonnent. Je prends évidemment bien soin de répondre, fière de mes notions de Bambara fraîchement acquises, preuve de mon désir d’intégration dans ce pays si accueillant.
Mais il faut aussi avouer que je suis inévitablement l’attraction du coin, une minorité visible dira-on. Impossible de passer inaperçu.
Je suis tout de même chaque jour plus étonnée de la capacité de perception des enfants, qui m’interpellent à plusieurs dizaines de mètres. Bon, pas besoin d’un œil de pilote de chasse pour détecter la tâche blanche qui se pointe au bout de la route, c’est vrai. Du coup, j’ai parfois l’impression d’être une star internationale en tournée, à peu de choses près que celle-ci ne serait pas accueillie par un « Bonsoir » tonitruant à 8h du matin, radical pour égayer les débuts de journée difficiles. Autre version, l’économique « Bonjoir », compromis particulièrement bien pensé (si l’académie française me lit) ou encore le mythique « Toubabou ! Toubabou ! Toubabou ! » (blanc) qui me fera toujours autant rire.
Grand mal me prendrait de ne pas honorer ces acclamations d’une réponse énergique et enjouée, lâchant même le guidon de mon vélo pour saluer tout ce petit monde, tel Benoît XVI dans sa Papamobile, au risque de m’affaler joyeusement sur le premier nid de poule venu. J’aime vivre dangereusement…
Ah oui, car mon vélo, c’est comme le Blond, c’est un concept à lui tout seul. Il me rend bien service mais ne me facilite pas toujours la tâche, les freins par exemple ingénieusement fixés à quinze centimètres du guidon…
Je me remémore encore avec nostalgie notre première sortie, moi, tout juste débarquée, l’association m’ayant prié de bien vouloir aller repeindre une pancarte dans le village, où je n’avais encore jamais mis les pieds.
Me voilà donc partie sous le soleil de midi, mon sac plastique pendouillant du guidon. Luttant pour conserver ce faux sourire niais sur mon visage, qui était censé vouloir dire « tout va bien, je gère la situation », j’ai d’abord commencé par ne pas trouver la pancarte en question, que l’on m’avait pourtant consciencieusement indiquée. J’ai donc procédé à une série d’allers-retours remarqués, sous le nez des habitants qui me voyaient pour la première fois. Entre temps, le petit bocal d’essence préparé par Moussa a jugé utile d’exploser dans le sac, répandant son contenu sur mon pantalon déjà plus ou moins propre.
Etant finalement parvenue au lieu dit, je me suis attelée à ma tâche après voir constaté le manque d’herméticité du pot de peinture jaune et l’ampleur des dégâts causés. J’oublie évidement de préciser qu’entre temps, une trentaine d’enfants s’était attroupée autour de moi, agrippant mon vélo et me parlant dans une langue que je ne comprenais pas. Un premier contact éprouvant.
Bref, j’ai donc repeint cette fichue pancarte, les mains tremblantes et intégralement recouvertes de peinture, le sourire niais toujours ancré sur mon visage, même si, à ce stade de l’aventure, le sang-froid commençait à me faire défaut.
Lorsque avec soulagement j’ai enfin pu prendre le chemin du retour et semer la ribambelle d’enfants qui tentaient de s’accrocher à mon porte-bagages, je n’ai alors pas trouvé de meilleure idée que de me perdre. Joyeusement repartie pour une nouvelle série d’allers-retours, j’ai finalement décidé de demander mon chemin, ravalant mon amour-propre déjà bien mal en point.
C’est ainsi que je suis parvenue à rentrer à ALAD, dégoulinante de sueur et d’essence, parsemée de tâches de peinture et rougie par le soleil. Le sourire envolé et en proie à une rage d’avantage due à une fatigue monumentale, je me suis attelée au nettoyage de mon vélo et ai trouvé je ne sais comment le moyen de m’entailler le pied, histoire de clore l’aventure sur une note d’héroïsme.
Le fameux pantalon porte désormais l’indélébile marque jaune de cette épopée initiatique, mais rassurez-vous, je mène depuis une vie plus paisible.
3 commentaires:
mais Floraine, ils sont noirs au mali??? J'aurais jamais dit ca...
Bref, treve de plaisanteries, c'est de la boulette (cf Diams)tout ce que tu fais mon amie Crado. Je suis trop contente pour toi !! profite-en autant que possible... si tu savais comme je t'envie!
Eric Tourette aurait lui-même été très étonné, mais oui, ils sont noirs au Mali...
même ceux qui sont intelligents?
Enregistrer un commentaire